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 La gestion des retours : un facteur clé de succès sous-estimé ?

3èmes Rencontres de la Mobilité Internationale. Session 4.

  • ulysse
  • Lundi 14/06/2010
  • 18:05
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 Table ronde animée par Frédéric FERRER.
Intervenants :

Pascale BERTHIER, EM LYON

Jean PAUTROT, Cercle MAGELLAN

Le décor est planté dès le début : optimiser les retours serait essentiel pour assurer un développement « durable » de sortie de crise.

Ce thème du retour est récurrent : il s’invite pour la 3ème fois dans cette manifestation. Preuve que le sujet est d’importance dans la gestion de la mobilité. Cela pose aussi question : des solutions efficaces sont-elles réellement possibles pour valoriser les compétences acquises à l’étranger ?

On pouvait donc craindre une répétition du discours des années précédentes.  Bonne surprise : ce ne fut pas le cas. Certes les ingrédients déjà évoqués sont toujours là, voire même renforcés. Mais des idées nouvelles ont été formulées, qui dégagent des pistes d’actions et de réflexion.  Les intervenants ont tous deux un double regard : une connaissance et une expérience approfondie des problématiques de l’entreprise d’une part, des aspirations et retours d’expérience des expatriés d’autre part. Ces deux perspectives s’enrichissent mutuellement.

Les recommandations classiques sont toujours d’actualité. On peut évoquer :
- La nécessité d'anticiper, de préparer le retour bien en amont.
- L'importance du maintien du réseau professionnel pendant le séjour, la nécessité de garder des contacts réguliers avec le siège.
- L'importance de la sélection au départ : s'assurer que la bonne personne part au bon endroit, et pour de bonnes raisons. Les motivations "négatives" au moment du départ peuvent avoir en effet rebond douloureux au retour.

  Le retour se prépare donc dès le départ. Discours classique mais pas toujours mis en application faute de moyen et de temps. Et lorsqu’il est suivi, il n’est pas toujours couronné  de succès...pourquoi ?

Pascale Berthier a évoqué le double versant du contrat qui lie l’entreprise à son salarié : le contrat explicite qui fixe les conditions matérielles et juridiques ; et le contrat implicite qui est d’ordre moral. Le premier est écrit, les parties s’efforcent de clarifier à l’avance les moindres détails. Le deuxième est « sous entendu » mais pas exprimé clairement : quels sont les engagements réciproques à terme en matière de carrière ?  De possibilité de développement ? De reconnaissance ? Même si ces questions sont débattues oralement avant le départ, elles restent en suspens jusqu’au retour. Et la chute peut être rude pour l’expatrié qui dans certains cas doit se démener pour trouver un poste par lui même. En fonction des circonstances et des personnalités, certains vont revenir « dans le système » facilement, d’autres vont souffrir de l’indifférence ou  se sentir trahis, d’autres vont se rebeller.

Jean Pautrot évoque le choc culturel inversé au moment du retour. Cette notion est bien connue des spécialistes de l’expatriation : on peut se sentir étranger dans son propre pays. Entre l’annonce du départ et la réadaptation du retour, les sentiments et le moral de l’expatrié fluctuent sur les vagues d’une courbe en W (d’après les travaux de Black et Mendenhall). Mais la connaissance de cette notion ne suffit pas à expliquer pourquoi certains conservent une structure mentale d’expatriés, toujours en demande d’un nouveau départ. Aux troubles déjà observés (sentiment de perte, crise identitaire, deuil ...) s’ajoute alors une notion nouvelle : l’addiction. L’expatrié éprouve un manque, une dépendance par rapport à l’expérience internationale et son mental tend à réactiver sans cesse le plaisir perdu. D’où une difficulté à se réinsérer dans la « normalité ». Le profil psychologique des expatriés rejoindrait d’ailleurs assez souvent celui des addictifs classiques (goût du risque, intérêt pour la nouveauté, peur de l’ennui...).

 Ces considérations rentrent-elles dans le champ d’études des neurosciences ? Le « circuit de la récompense »  serait-il objectivement activé dans le cerveau des expatriés ? Sans aller jusque là, ces propos rejoignent mes observations personnelles : l’expérience internationale peut modifier durablement la manière dont on se perçoit, la manière dont on perçoit le monde. Celui qui revient est souvent différent de celui qui est parti. Ses attentes ont changé, ce qui rend si difficile la mise en œuvre du contrat « implicite ».

 Et en pratique ?

Les difficultés ne peuvent être supprimées par une solution miracle universelle. Mais les admettre, les comprendre (les accepter d’une certaine manière) permet de proposer quelques pistes susceptibles de favoriser la réintégration.

Sur un plan matériel : l’assistance pratique est trop souvent négligée au retour. Il est souhaitable d’accompagner : informations administratives bien sûr mais aussi juste équilibre de l’aide financière entre le départ et le retour. Les primes incitent en général à partir, rarement à revenir ... Un rééquilibrage du budget peut être tenté.

Sur un plan professionnel : il est important de former le salarié aux évolutions de l’entreprise, voire de l’intégrer dans les cursus prévus pour les nouveaux entrants !

Sur un plan psychologique enfin : l’expatrié souffre souvent de l’indifférence, parfois aussi d’une jalousie latente de ses collègues. Mais il faut aussi l’inciter à revenir vers le groupe. Il ne doit pas s’attendre à être attendu... Il peut raconter son expérience, mais aussi faire raconter à ceux qui sont restés. L’échange doit être à double sens.

Une initiative intéressante peut être d’organiser formellement au retour une session « retour d’expérience ». Celui qui revient a l’occasion de partager son histoire, de la communiquer. C’est une richesse et une ouverture dont bénéficieront ceux qui sont restés et partiront peut être un jour. Cela recrée du lien, valorise les compétences de l’expatrié, enrichit les connaissances de tous. Cela permet enfin de développer  la culture internationale dans l’entreprise, y compris pour les salariés sédentaires.

 Lors de l’atelier networking que j’ai animé, certains participants ont expliqué faire remplir systématiquement un questionnaire à leurs expatriés après le retour. Cela permet d’améliorer le processus et l’accompagnement avant, pendant et après.

Pas de solution miracle donc, mais de petites touches d’humanité peu coûteuses financièrement. 

 
Pour poursuivre la réflexion sur ces questions, on peut lire les ouvrages de JL Cerdin (par exemple : « S’expatrier en toute connaissance de cause », Eyrolles 2007).
Et puis également : Le très bel essai de Nancy Huston, « 
Nord perdu » livre de belles pages sur la dualité identitaire des expatriés.

 MH Millie

 


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