Pour nous changer des articles et livres de management, voici la vie d’une famille occidentale expatriée en Birmanie. L’auteur et dessinateur Guy Delisle y accompagne sa femme envoyée pour plusieurs mois dans ce pays par Médecins Sans Frontières. Il croque cette expérience d’un coup de crayon sobre et humoristique dans un album paru fin 2007 aux Editions Delcourt (c'est-à-dire, avant la répression des moines, et avant le cyclone dévastateur).
Découverte d’un pays de l’intérieur, poids de la dictature et de la censure, liens émouvants noués avec la population birmane…il ne s’agit toutefois pas d’un reportage mais d’une expérience vécue et racontée dans un carnet personnel, ce qui lui donne un caractère authentique. Certains lecteurs critiques reprochent à l’auteur de trop s’attarder sur les péripéties de sa vie personnelle et familiale. Mais c’est oublier (ou ignorer, faute de l’avoir vécu) combien les petits évènements de la vie quotidienne peuvent prendre du relief lorsqu’on se trouve dans un pays étranger si différent du sien. Les détails habituellement insignifiants deviennent une aventure qui remplissent votre journée, en particulier dans la phase d’adaptation qui suit l’arrivée : l’électricité aléatoire, les boîtes de « Vache Qui Rit » au supermarché, le crapaud qui tombe du plafond, les promenades avec Bébé dans sa poussette (formidable pour établir le contact avec la population locale) …tout cela vaut-il la peine d’être raconté ? OUI à mon sens cela fait partie de l’expérience vécue et de son authenticité. La perception que l’étranger (expatrié) a du pays d’accueil va se construire à partir de ces micro-évènements et de la façon dont il va surmonter les difficultés quotidiennes et apprivoiser son environnement. Pari réussi pour l’auteur qui à travers une bonne dose d’auto dérision nous décrit aussi le quotidien de la vie du conjoint d’expatrié : l’ennui qui le menace, la solitude, la difficulté de préserver sa propre identité personnelle (très caractéristique, les conversations des mamans du Baby Group !). On observe aussi la communauté d’expatriés occidentaux où se tissent des liens rassurants : on ne peut s’en passer car ils servent de repère. Mais ils sont aussi éphémères, et souvent superficiels.
Tout ceci sur fond de dictature. Derrière l’humour, le drame.
Marie-Hélène Millie
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