Cet article n’est qu’une présentation succincte de ce régime qui mérite l’intervention d’un vrai fiscaliste. Je ne présenterai que les grandes lignes de ce régime.
Ceux qui le souhaitent peuvent se référer à la circulaire administrative du 8 août 1983
Le bénéfice de ce régime profite à l’employeur qui peut profiter de la non-imposition des frais engagés à l’occasion de l’envoi d’un salarié en Belgique. Il convient de préciser que le terme de salarié « détaché » en Belgique n’est pas utilisé au sens du droit français ( détachement versus expatriation), mais dans son sens courant c'est-à-dire « envoyé ».
Il est essentiel de vérifier auprès des autorités belges, dans le cas de cadres ayant soit l’un de leur parent belge, soit étant né en Belgique, qu’ils n’ont pas la nationalité belge à leur insu (ce cas est déjà arrivé), ce qui les priverait du bénéfice de ce régime tant bien même auraient-ils ignoré toute leur vie posséder la nationalité belge !
Pour pouvoir en bénéficier, le travailleur étranger doit posséder une nationalité étrangère, exercer une fonction de cadre ou une activité de chercheur exerçant dans un centre ou laboratoire de rechercher scientifique. Ils doivent avoir été recrutés à l’étranger, y compris par une société belge faisant partie d’un groupe international, pour travailler temporairement en Belgique.
Le caractère temporaire s’apprécie au regard d’éléments qui « trouvent leur source dans la situation personnelle du cadre que dans la nature même de la fonction exercée ».
article 139/9.3 de la circulaire
Appartiennent notamment à la première catégorie d'éléments:
1) le séjour du conjoint ou des enfants à l'étranger;
2) la disposition d'une habitation à l'étranger;
3) le fait que les enfants continuent de suivre un enseignement à l'étranger;
4) la possession de biens immobiliers ou mobiliers à l'étranger;
5) l'existence d'un contrat d'assurance-vie à l'étranger;
6) la continuation de la participation à un contrat d'assurance de groupe ou à un autre plan d'épargne ou de pension à l'étranger;
7) l'insertion d'une “clause diplomatique” dans le contrat de bail.
article 139/9.4 de la circulaire
Peuvent être rangés parmi les éléments inhérents à la nature même de la fonction exercée:
1) l'assujettissement - par continuation - à une législation sociale étrangère;
2) l'existence éventuelle d'un contrat de travail à durée déterminée;
3) l'engagement temporaire en Belgique en vue de la constitution ou de la restructuration d'une entreprise;
4) la possibilité pour l'intéressé, en raison de ses liens étroits avec l'entreprise étrangère ou en exécution de ses obligations contractuelles, de devoir transférer, dans un autre pays, le siège de son activité au service de cette entreprise.
Pour en bénéficier, l’employeur doit dans les six mois de la « mise au travail » introduire une demande, accompagnée d’un dossier, auprès du Directeur de Service des Etrangers à Bruxelles. Des dérogations peuvent être accordées pour des demandes tardives.
Il faut faire très attention à un cas particulier qui s’est déjà produit : une société avait envoyé pour quelques mois un cadre en Belgique pour effectuer un remplacement. La période initiale fut prolongée de plusieurs mois, puis le cadre en question postulat auprès de son siège pour un poste à Bruxelles ! Il fut engagé après avoir été interviewé comme les autres candidats, et devint donc expatrié. L’entreprise fit une demande pour bénéficier du régime spécial dont l’une des conditions est de ne pas travailler en Belgique au moment du recrutement ! Un cas analogue serait l'envoi "en reconnaissance" d'un salarié, puis de son expatriation!
Quels sont les avantages ?
Le cadre est considéré comme un non-résident belge du point de vue fiscal.
L’employeur bénéficie de l’exonération d’imposition des frais répétitifs et non répétitifs liés au séjour d’un cadre en Belgique.
Parmi les charges non répétitives, on trouve les frais de déménagement (vers puis hors de Belgique), les dépenses liées à l’aménagement en Belgique.
Les charges répétitives comprennent, en outre, le différentiel des frais de logement et du coût de la vie ; les frais d’école primaire et secondaire dans un établissement international, un voyage annuel pour le cadre et sa famille dans son pays d’origine, le « tax equalisation » …
Le « tax equalisation » permet de calculer sur la base du salaire perçu, le montant hypothétique de l’impôt sur le revenu que le cadre aurait eu à payer dans son pays d’origine, et de ne lui faire payer que ce montant même si l’IR belge lui est supérieur. L’employeur supporte la différence qui n’est pas imposable pour lui.
Certaines entreprises calculent l’IR hypothétique du pays d’origine, celui de la Belgique et ne font payer que le plus petit des deux, dans la mesure où il demeure inférieur à ce que le cadre aurait payé dans son pays d’origine.
Exemples :
Cas 1
Impôt hypothétique français =100
Impôt belge = 150
-->Le cadre paie 100 et l’employeur paie la différence.
Cas 2
Impôt hypothétique français =100
Impôt belge = 70 (par exemple par application du « travel exclusion »)
-->Le cadre paie 70.
Un autre avantage est constitué par le « travel exclusion » qui permet de n’être imposé qu’au prorata des jours travaillés en Belgique (il faut notamment percevoir sa rémunération de l’étranger pour les prestations exercées en Belgique et ailleurs).
Les professions qui nécessitent un très grand nombre de déplacements professionnels ont tout intérêt à l’appliquer (par exemple journalistes basés à Bruxelles et couvrant une partie de l’Europe).
Sont également exclus du prorata les jours de WE, les jours fériés légaux, les jours de congé et les jours de maladie.
Le jour de départ est considéré comme presté en Belgique (tant bien même le cadre partirait à 5 heures du matin !) et le jour du retour est considéré comme presté à l’étranger ((tant bien même le cadre reviendrait en Belgique à 5 heures du matin !)
Il faut être en mesure de prouver que l’on a réellement passé ces jours là hors de Belgique, que le déplacement avait un caractère professionnel.
Des documents internes à l’entreprise tels que des time-sheet ne suffisent pas. Il faut par exemple conserver les boarding pass des déplacements en avion (même si l’année n’y figure pas). La facture ne suffit pas puisque l’on peut changer un billet plein tarif après sont achat. Il faut payer les péages et l’essence avec sa carte de crédit. Les factures originales de tout ce qui a été payé sur place (restaurant, hôtel…) sont exigées.
Il faut également prouver le caractère professionnel (garder les documents d’un congrès, les mails de convocation, des articles de journaux mentionnant l’évènement, imprimer toutes les semaines son agenda électronique …etc.) Lors d’un contrôle c’est un ensemble d’éléments qui pourra être pris en compte, une sorte de faisceaux d’indices.
Il faut faire attention à ce que seul le nom du cadre figure sur la facture.
Par exemple, si le nom du conjoint apparaît sur la facture de l'hôtel, il y a de grandes chances que l’administration refuse le caractère professionnel du déplacement même si le couple a intégralement payé tous les frais liés à la présence du conjoint.
L’administration peut accepter au cas par cas des éléments de preuve moins conventionnels selon l’activité du cadre (par exemple relevé de téléphone portable).
La plus grande prudence s’impose car en cas de redressement, non seulement les jours en question seront rejetés mais le vérificateur peut appliquer des pénalités. S’agissant d’une vérification sur trois ans le total peut s’avérer être élevé. Et une fois que votre entreprise a été repérée comme "potentiellement redressable", il est possible que d'autres vérifications suivent si plusieurs cadres bénéficient de ce régime.
Il est donc essentiel que l’entreprise définisse très clairement auprès de ses cadres sa politique de remboursement des frais de déplacement (en expliquant à quoi elle correspond), qu’elle la fasse strictement appliquer, et que ce soit elle qui conserve les originaux des frais remboursés (le cadre peut faire des photocopies). Lors d’un contrôle, l’administration fiscale refusera de simples copies.
Un dernier point qu'il serait souhaitable de clarifier à l'avance, quelquesoit sa position, serait de déterminer quelle sera l'intervention de l'employeur dans le cas d'un redressement : il prend tout à sa charge, les erreurs de déclaration de son cadre ne lui incombe pas ...
La volonté de rendre l’expatriation en Belgique attractive est très claire. Néanmoins on peut se demander si la mise en œuvre de ce régime pour de petites et moyennes entreprises est réellement intéressant considérant qu’il est fortement recommander de recourir à un spécialiste (fiscaliste) pour s’assurer de ne commettre aucune erreur, ce qui constitue un coût additionnel non négligeable.
Françoise Menou
Derniers commentaires
→ plus de commentaires