Si la clause de mobilité peut constituer un formidable outil permettant de déplacer un salarié, elle n’en demeure pas moins dotée d’un manuel d’utilisation que l’employeur se doit de respecter. Parmi les principes posés par la Cour de Cassation, on trouve celui de la définition précise de la zone géographique de la clause.
Dans un arrêt du juin 2006, la cour rappelle l’attendu de la Cour d’Appel pour mieux le confirmer :
« Attendu, cependant, qu’une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application et qu’elle ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée. »
La clause en cause mentionnait une zone d’activité qui pourrait être « le cas échéant étendue en cas d’extension d’activité. » Cette extension possible empêchait le salarié de connaître au moment où il signait son contrat de travail, le périmètre de son obligation de mobilité.
Cette possibilité que se réservait l’employeur d’étendre le champ d’application géographique de la clause constitue une modification unilatérale du lieu de travail par l’employeur, ce qui nécessite toujours l’accord exprès du salarié concerné.
On lit fréquemment dans des avenants de mise à disposition internationale, des clauses de mobilité prévoyant une zone incluant les sociétés du groupe et/ou leurs filiales, présentes et « à venir » ou « futures ».
Ces clauses seront inopposables au salarié : elles ne seront pas valables.
Reste à savoir, si ce flou géographique rendra la clause inopérante partiellement (uniquement pour les zones « à venir ») ou dans son intégralité ? Les conséquences ne seront pas les mêmes pour les employeurs.
Ainsi le licenciement du salarié refusant sa mutation en vertu de l’application de cette clause pourra s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Quel est l’impact des conventions collectives ?
La question vient d’être posée et résolue par un arrêt de la Cour de Cassation (24 janvier 2008) à l’occasion de l’application de l’article 61 de la Convention Collective (CC) dite Syntec. Cet article consacre une mobilité géographique de principe pour tous les salariés.
ARTICLE SOIXANTE-ET-UN -
CHANGEMENT DE RESIDENCE
« Constatant l’intérêt économique et social de la mobilité géographique des salariés entrant dans le champ d’application de la présente Convention, mais conscientes des répercussions qu’elle peut avoir, les parties signataires recommandent que cette mobilité ne soit pas, pour les salariés, l’occasion d’une charge supplémentaire et qu’il soit tenu compte dans toute la mesure du possible de leur situation familiale.
…
Toute modification du lieu de travail comprenant un changement de résidence fixe qui n’est pas acceptée par le salarié est considérée, à défaut de solution de compromis, comme un licenciement et réglée comme tel. Dans ce cas, à la demande du salarié, une lettre constatant le motif du licenciement sera jointe au certificat de travail.… »
La Cour de Cassation rappelle le principe vu précédemment selon lequel « une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application. » Elle précise également que l’article 61 « ne saurait constituer une clause de mobilité licite directement applicable au salarié en l’absence de clause contractuelle de mobilité. »
Cet arrêt modifie la position prise par la Cour de Cassation ( en ajoutant une condition relative à la détermination de la zone) le 30 novembre 2005* où elle soumettait l’application de la clause de mobilité comprise dans une convention collective, en l’absence de clause de mobilité dans le contrat de travail, à la double condition que « la disposition de la CC se suffit à elle-même » et que « le salarié ait été informé de l’existence de cette CC au moment de son engagement et mis en mesure d’en prendre connaissance.»
"*Qu’en statuant ainsi alors que si, même en l’absence de clause de mobilité géographique insérée au contrat de travail du salarié, l’employeur peut se prévaloir de l’existence d’une telle mobilité instituée de façon obligatoire par la convention collective, lorsque la disposition de la convention collective se suffit à elle-même, c’est à la condition que le salarié ait été informé de l’existence de cette convention collective au moment de son engagement et mis en mesure d’en prendre connaisance."
Il est essentiel de rappeler que l’article 61 se trouve dans le titre 8 : « déplacements et changements de résidence en France Métropolitaine » et qu’il n’est pas repris dans le titre 9 « déplacements hors de France Métropolitaine.» Mais nous avons vu des salariés à l'international refuser de rentrer en France et négocier leur licenciement (et leurs indemnités) sur la base de cet article!
Françoise Menou
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