Yves Dolai, professeur à l’Université d’Angers, et Chun Ming Cheng, professeur à l’université de droit et de sciences politiques de Chine à Pékin
Quel est l’intérêt de se pencher sur la question?
Les normes juridiques sont les règles de droit qui régulent et contrôlent le monde des affaires. Ne pas les connaître revient à exposer son activité à des retards, des annulations ou des pénalités à payer. Un ensemble normatif clairement organisé, au fonctionnement connu et compris de tous, constitue une garantie de bon fonctionnement tant au niveau des entreprises (sécurité des affaires) qu’au niveau des pays (la Chine est membre de l’OMC depuis le 11 décembre 2001 : son corpus de règles juridiques se doit d’être lisible par les autres pays).
Selon le professeur Dolais « dans un pays gagné par une boulimie législative et réglementaire anarchique, la question de la hiérarchie des normes occupe désormais une place croissante dans les préoccupations des acteurs économiques, des juristes mais aussi du peuple. Les spécificités politiques, structurelles et administratives de la Chine et particulièrement les conflits d’intérêts et de pouvoir, l’absence d’indépendance de la justice, l’absence de contre-pouvoirs, l’absence de véritable contrôle sur la constitutionnalité rendent difficile une visibilité claire à court terme et des progrès notables sur cette question ».
Quelle est la hiérarchie de ces normes ?
On distingue trois échelons nationaux et trois échelons locaux.
Trois échelons locaux
- l’Assemblée Populaire Nationale
- le Comité Permanent de l’Assemblée Populaire
- Le Conseil des Affaires d’Etat
Trois échelons locaux
- les provinces
- les grandes villes et les zones économiques
- les cantons
A cet égard le professeur Cheng a rappelé que l’échelon local s’est construit sur des racines culturelles et politiques. La conception du droit est différente de la nôtre : elle a vocation à régler des situations entre les personnes et pas directement des situations concrètes.
La situation correspond à une décentralisation et un fédéralisme de fait !
L’accessibilité à la législation progresse. Des difficultés assez particulières viennent de la confusion dans la dénomination des textes : certains ont la même appellation mais n’ont pas les mêmes qualités. C’est un peu comme si, en France, deux textes s’appelaient « loi » mais qu’en fait l’un deux n’ait que la force d’un « règlement ».
Les mécanismes de régulation des conflits de loi tardent à se mettre en place sous la pression économique et politique, et en sens inverse se développent sous la pression du peuple et des intellectuels. Les disparités locales entraînent des disparités d’application au niveau local. L’absence de contre-pouvoir facilite la corruption.
La Chine connaît également une inflation des lois depuis son entrée à l’OMC. Cela entraîne une absence de prévisibilité des lois, et leur application limitée. Selon le Professeur Cheng, seulement 15% des décisions de justice sont exécutées.
Les deux professeurs ont abordé d’autres questions importantes :
- L’absence de véritable contrôle de la constitutionnalité. Le professeur Cheng rappelle que la Constitution chinoise a été rédigée sous Mao non par des professeurs de droit, voire des constitutionnalistes, mais qu’il s’agit notamment de la transcription de la doctrine maoïste (d’essence politique).
- Le statut du Traité en droit interne chinois : la supériorité du traité n’est pas inscrit dans la Constitution.
- La Chine est fortement empreinte de Confucianisme : la recherche de l’harmonie unitaire de la Chine existe réellement : la conciliation est un préambule nécessaire à tout recours juridique. Peut-on concilier l’assurance de la sécurité juridique indispensable à la réussite des affaires et cette harmonie?
La réponse est positive. Mais une entreprise souhaitant développer une activité en Chine ne pourra pas faire l’économie d’un avocat spécialisé en droit chinois, qui connaîtra en outre les usages.
Françoise Menou
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