Suite à l’affluence d’intérêt suscitée par le thème du régime matrimonial (re/lire notre article exposant les grandes règles théoriques applicables en la matière: régime matrimonial et expatriation), nous avons interrogé un cabinet de conseil en gestion de patrimoine (extranéité.com )
Son président, Michel Balem, répond à quelques questions qui vous donneront un éclairage plus pratique :
Qui sont les clients qui vous consultent? Quels sont les problèmes qu'ils rencontrent?
Mes clients sont essentiellement des personnes physiques et accessoirement des entreprises qui sont encore relativement peu sensibilisées aux problèmes liés à l’extranéité. Je suis surtout sollicité pour des clarifications concernant le régime matrimonial ou les conséquences potentielles d’un décès lors d’un séjour de longue durée à l’étranger. Beaucoup de questions également sur la fiscalité transfrontalière à l’occasion d’un retour programmé en France.
Comment le Droit International Privé est-il appliqué en France en cas de divorce, en cas de décès?
C’est un vaste sujet…D’abord, en France, ce n’est pas un droit codifié ce qui explique aussi qu’il soit assez mal connu et donc pas toujours appliqué. Disons que quand ça arrange tout le monde, on a un peu tendance à l’oublier. Ce n’est souvent qu’en cas de problème – un divorce par exemple - qu’il va resurgir. Quand il s’agit de régler une succession, le notaire ne va pas chercher pas à appliquer les règles de DIP pour la détermination du régime matrimonial du couple (Généralement : Décès en France au sein d’un couple qui s’est marié en France + Pas de contrat = Communauté réduite aux acquêts). D’ailleurs, dans la majorité des cas, le décès a lieu à une époque où tout le monde a oublié qu’il y a eu ces quelques années en expatriation au début de la vie du couple. Et puis, à supposer que le notaire ait eu connaissance de cette période d’expatriation antérieure susceptible d’avoir causé une mutation de régime matrimonial à l’insu de ses clients, il n’est pas évident que quiconque soit en mesure de déterminer la nature et la valeur du patrimoine du couple il y a 20 ou 30 ans en arrière, juste avant leur retour en France. Par contre, les règles de DIP en matière de droits des parties dans une succession internationale sont plus généralement appliquées par la force des choses : si le décès a lieu alors qu’on est domicilié à l’étranger ou si le couple possède un bien à l’étranger, ce sont des éléments sur lesquels on peut moins difficilement passer.
Quels sont les risques d'une méconnaissance par certains notaires? (risques pour l'employeur aussi)
Pour la personne physique, le risque se situe au niveau de la structuration de son patrimoine. Si elle ne signale pas au notaire les circonstances de son mariage, son expatriation etc…ou si le notaire méconnaît la matière, elle risque de mettre en place une stratégie de détention de son patrimoine et, plus tard, de transmission de celui-ci qui sera inadéquate.
Pour le notaire lui-même, le risque se situe au niveau des conséquences du défaut de conseil et de la non application du droit. Ceci dit, pour qu’il se matérialise, il faut qu’une partie ayant intérêt à ce que le règlement d’une succession ou la dissolution d’un régime matrimonial ait été traité différemment fasse valoir son bon droit. Ce tiers là pourrait être : l’administration fiscale ou la première épouse du défunt qui chercherait pour le premier à récupérer des droits de succession plus élevés pour l’autre à voir la taille de la succession revue à la hausse pour augmenter la part de la réserve qui reviendrait à ses enfants communs avec le défunt. Encore faudrait-il que ces parties connaissent leurs droits !
Pour les entreprises, le risque est moindre mais il existe également. L’entreprise a une certaine obligation de conseil envers les employés qu’elle envoie à l’étranger d’autant que le package « expatriation » qu’elle propose au couple est souvent très complet allant jusqu’à une assistance fiscale sur place. Ne pas sensibiliser l’expatrié aux conséquences potentielles de son départ sur le plan civil est donc un risque pour elle. Je n’ai pas encore eu connaissance de cas où un salarié ou sa famille se serait retourné contre son employeur pour ne pas l’avoir averti des conséquences potentielles civiles négatives de son expatriation mais ça pourrait arriver. L’obligation de l’entreprise est, en tout cas, au minimum de demander à ses salariés de prendre conseil sur les conséquences patrimoniales d’un départ à l’étranger.
Quel est le cas le plus courant que vous rencontrez?
Je traite surtout des questions de régime matrimonial. La grande majorité des couples se marient sans contrat et beaucoup de pays ont encore comme régime matrimonial de base la séparation de biens …Une fois que mes clients ont été alertés des complications auxquelles ils s’exposent, ils me demandent de les aider à remettre de l’ordre dans leur régime matrimonial. Je travaille là-dessus avec des notaires spécialisés sur les questions d’extranéité et de droit international privé.
Quels conseils pratiques pourriez-vous donner à un couple qui s'expatrie, qui est déjà expatrié?
Prendre conseil avant un départ et avant un retour s’impose. Il y a des questions d’ordre civil à traiter comme on l’a vu (régime mat) mais aussi des questions fiscales. Et puis… si on envisage de se marier pendant une période d’expatriation, ne pas oublier qu’on aura toujours intérêt à faire un contrat même si c’est pour opter pour le régime matrimonial légal de base français.
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