Il y a deux semaines Alma Consulting a publié le résultat de son « baromètre » absentéisme annuel sur les entreprises françaises.
Ce baromètre concerne les absences maladie et accidents du travail+trajet, pour les seuls CDI.
Ce baromètre annonce un résultat impressionnant : une augmentation de 18% de l’absentéisme entre 2011 et 2012 !
Le seul problème, c’est que ce résultat central est contredit par.... les statistiques de la CNAMTS !
Voici les liens des données nationales – publiques – de la CNAMTS qui contredisent les résultats publiés par Alma Consulting :
- www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/Stat_mensuelle_2012_12.zip : données cumulées de 2012, vous trouverez les IJSS dans le fichier excel “Résultats fin décembre 2012”), sur les onglets “Cumul_maladie_nbre” case E192 et “Cumul_AT_nbre” case C192 (bien que le libellé soit “Total prestations en espèces” il s’agit bien du nombre d’IJSS et non pas de leurs montants, qui figurent dans les onglets “xxxxxx_mnt” correspondants)
- www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/Stat_mens_2011_12.zip : données cumulées de 2011, vous trouverez les IJSS dans le fichier excel “Résultats fin décembre 2011 (rebase)”), sur les onglets “Cumul_maladie_nbre” case E192 et “Cumul_AT_nbre” case C192 (même remarque)
Ces chiffres de la CNAMTS indiquent une diminution de 0,16% du nombre d’IJSS versées (maladie + AT qui est le périmètre de calcul pris en compte par Alma Consulting) ; cf la synthèse ci-dessous des chiffres issus des tableaux indiqués :
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Nbre d'IJSS versées dans l'année |
2011 |
2012 |
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AT |
57 159 480 |
56 350 343 |
-1,42% |
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Maladie |
201 917 707 |
202 303 193 |
0,19% |
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Total |
259 077 187 |
258 653 536 |
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Evolution |
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-0,16% |
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- la CNAMTS intègre tous les salariés du privé, donc CDD, Intérimaires et saisonniers compris : cependant si les études statistiques sérieuses menées montrent que ces populations sont un peu moins absentes que celle des CDI (ainsi l’étude de la DARES publiée début 2013 a montré que la probabilité d’absence d’un salarié en CDI de plus d’un an d’ancienneté est environ 1,5 fois plus élevée que celle d’un salarié de ces différentes catégories), la proportion de ces salariés évolue de manière marginale d’une année sur l’autre et ne peut donc qu’avoir un effet lui aussi marginal en les retirant du périmètre
- les jours de carence, non indemnisés par le régime général, ne sont évidemment pas inclus dans les statistiques de la CNAMTS : mais là encore d’une année sur l’autre, comment les jours de carence pourraient-ils représenter une augmentation de 18% des durées d’absence cumulées à eux seuls ? Une simple extrapolation arithmétique permet de se rendre compte que c’est une hypothèse totalement absurde comme le calcul ci-dessous le montre :
- pour environ 18,5 millions de salariés à la CNAMTS, nous avons en 2012 ~259 millions d’IJSS, soit 14 jours d’arrêt en moyenne indemnisés par salarié par an.
- en considérant un volume Vc2011 en 2011 de jours de carence, il faudrait donc que le volume Vc2012 du nombre de jours de carence en 2012 explique à lui seul les 18% d’augmentation annoncée, soit (~259 millions + Vc2012) = (~259 millions + Vc2011) * 1,18 ce qui nous donnerait : ~46,5 millions = nombre de jours de carence supplémentaires entre 2012 et 1,18 fois le nbre de jours de carences de 2011... prenons l’hypothèse de 50 millions de jours de carence en 2011 (ce qui ferait un peu moins 3j par salarié en moyenne), cela signifierait qu’il y en aurait eu 105,5 millions en 2012 !!
Une hypothèse d’augmentation des jours de carence dans de telles proportion n’est pas concevable (avec 2j de carence en moyenne par salarié, il faudrait passer de 37 millions de jours de carence en 2011 à 90 en 2012 !).Au passage, constatons aussi que les 14,5 j d’absence moyens par salarié qui étaient annoncés dans le baromètre 2011 d’Alma Consulting sont déjà quasiment atteints avec la seule moyenne des IJSS versées, et cela y compris CDD, saisonniers, etc... quid alors du volume d’absence correspondant aux jours de carences en 2011 ? Cela montre qu’il y a matière à s’interroger sur la fiabilité des résultats de l’étude 2011 ...
Il n’y a à nos yeux aucun autre élément explicatif qui serait de nature à conforter le résultat global mis en avant par Alma Consulting, de 18% d’augmentation de l’absentéisme AT+maladie, au regard de ces statistiques de la CNAMTS. Comment une telle augmentation pourrait elle d’ailleurs ne même pas être reflétée, au moins en tendance de l’ordre de 10%, dans le volume d’IJSS de la CNAMTS ?
Dans sa note méthodologique Alma Consulting n’indique pas du tout quelle est la stabilité du périmètre de son enquête d’une année sur l’autre , ce qui constitue pourtant l’élément essentiel pour une comparaison statistique ayant un sens : il y avait 241 sociétés dans l’échantillon en 2011 pour 408 834 salariés, 323 entreprises en 2012 pour 315 801 salariés, ce qui démontre que le périmètre d’étude n’est pas du tout le même. Aucun résultat sur les entreprises faisant partie de l’échantillon sur les 2 années n’est donné.
Ce n’est pas parce qu’une étude comporte des centaines d’entreprises et des centaines de milliers de salariés dans son périmètre qu’elle est valide statistiquement et qu’elle est représentative des tendances réelles sur la population. La structure des échantillons entre 2011 et 2012 laisserait penser que des entreprises avec des effectifs importants sont sorties du périmètre (~95 000 salariés de moins d’une étude sur l’autre, alors qu’il y a 90 entreprises de plus). Il suffit que quelques groupes importants qui avaient répondu en 2011 avec un faible taux d’absentéisme ne l’aient pas fait en 2012 pour expliquer un résultat erratique.
Le processus d’enquête ne semble donc garantir ni la représentativité de la structure de la population des salariés, ni la stabilité d’un échantillon et s’appuie uniquement sur des données déclaratives. La rigueur méthodologique ne semble de ce fait pas garantie, et le principal résultat se révèle en contradiction avec les données statistiques produites par la CNAMTS... On peut donc s'interroger sur la validité des conclusions de l'étude.
Et pourtant, toute la presse a relayé cette conclusion, sans aucune vérification et sans aucun recul. L'absentéisme est un phénomène complexe qui ne se laisse pas enfermer dans des déclarations fracassantes. Les données sur le sujet sont nombreuses, hétérogènes...et lorsqu'elles semblent se contredire, il est nécessaire de les questionner.
Frédéric Martin

Un « baromètre » absentéisme surprenant : ce que les chiffres disent… et ce que les jupes révèlent déjà depuis longtemps
Chaque année, les entreprises publient leur baromètre de l’absentéisme. Les chiffres varient, surprennent, inquiètent parfois — mais rarement ils éclairent en profondeur ce qui se joue dans les comportements humains. Les éditrices mode anglo-saxonnes le rappellent souvent : pour comprendre une société, mieux vaut observer ses vêtements que ses tableaux Excel. Et les jupes, particulièrement, sont des indicateurs plus fiables que bien des statistiques.
Car l’absentéisme, au fond, parle de structure, de fatigue, de pression, et parfois de résistance silencieuse. Exactement comme une jupe en cuir rigoureusement coupée, qui raconte la manière dont un corps tient — ou ne tient plus — dans un cadre contraignant.
Un baromètre surprenant peut révéler une lassitude diffuse. En mode, cette lassitude se lit dans le retour massif des jupes midi intemporelles, que la presse UK décrit comme « the garment of quiet boundaries ». Une pièce qui apaise, encadre, stabilise. L’équivalent textile d’un besoin collectif de respirer.
Quand les chiffres s’emballent, les analystes parlent de signaux faibles. La mode, elle, parle de textures. Ainsi, l’appétit croissant pour les jupes en dentelle délicates traduit un besoin d’humanité, de fragilité assumée, que les tableaux de bord peinent souvent à détecter.
À l’inverse, certaines hausses brusques de l’absentéisme évoquent ces tendances fortes et sans nuance — comme le retour cyclique des motifs félins revisités. Ce sont des manifestations franches, des cris visuels, des déclarations que personne ne peut ignorer.
Quand les entreprises décortiquent les données, les stylistes analysent les volumes. L’une des silhouettes clés relevées dans les éditos US — la jupe patineuse au mouvement spontané — symbolise cette tension entre agitation et libération, que l’on retrouve dans les oscillations des statistiques RH.
Les absences peuvent aussi se comprendre comme un repli stratégique, un recentrage. C’est exactement ce que raconte la montée des pièces légèrement scintillantes : elles apparaissent quand les gens ont besoin d’un éclat, mais pas d’une révolution. Une micro-lumière dans un quotidien contraint.
Lorsque le baromètre distingue bons élèves, cas particuliers, zones de tension, il reproduit dans le langage RH ce que la jupe portefeuille réalise visuellement : hiérarchiser, contenir, dévoiler juste assez. Les coupes portefeuille structurées sont l’équivalent stylistique d’un tableau croisé dynamique.
Et puis il y a les mutations sociales profondes : nouvelles attentes, nouveaux codes, nouveaux équilibres. Le meilleur indicateur n’est pas un pourcentage : ce sont les jupes adoptées par les silhouettes masculines. Elles matérialisent un basculement culturel que les baromètres peinent à quantifier. Quand les vêtements changent, les chiffres suivront — toujours.
Alors oui, un « baromètre d’absentéisme surprenant » peut susciter de longs commentaires. Mais pour comprendre ce qu’il dit vraiment de nous, il suffit parfois de regarder une jupe — sa texture, sa coupe, son mouvement, sa présence. Les vêtements ne mentent pas : ils révèlent ce que les statistiques ne savent qu’effleurer.