Les locaux du journal Le Monde ont accueilli ce 27 mars 2014 les candidats d'un concours étudiant : "Génération mobilité- Imaginez l'entreprise numérique de 2020".
Deux tables rondes, animées par Annie Kahn, ont précédé la remise des prix.
Les experts, issus de l'entreprise (principalement Orange, partenaire de l'opération) , du conseil (SIA Partners, Entreprise et Personnel) ou de l'université, ont échangé sur les thèmes suivants :
L'impact des nouvelles technologies sur l'organisation du travail : fragmentation spatiale et temporelle, porosité travail-vie privée, externalisation des processus de travail avec une perte de substance de la notion de contrat de travail classique, co-production et travail collaboratif...
Les enjeux en termes de sécurité des données : celles du salarié, de l'entreprise, des clients...
Les implications sur le management : effritement des lignes hiérarchiques, transversalité, développement de l'autonomie...
Les articles des étudiants reprennent ces thèmes, avec une dimension onirique, puisque futuriste. Les aspirations de la jeune génération montrent clairement leur vision exigeante de l'entreprise, leur vision humaniste aussi puisque ces entreprises hyperconnectées du futur placent l'homme au coeur du système. La lecture de leurs travaux a quelque chose de réjouissant et réconfortant : visionnaires, enthousiastes, mais pas naïfs pour autant.
Vous pouvez lire ces articles ici.
Sommes nous , comme l'évoque JP Corniou (SIA Partners), à l'aube d'une rupture anthropologique ?
Peut-être. Mais l'observation du monde de l'entreprise ne montre pas une diminution des processus de contrôle. Les nouvelles technologies favorisent l'autonomie, le partage et la liberté. Mais en même temps elles rendent possible l'hypercontrôle : contrôle des activités, des processus, des salariés. Et les entreprises du secteur poussent parfois le modèle taylorien à l'extrême...Où se trouvent là la collaboration et le partage ?
J'ai posé cette question : "quels managers seront nos étudiants quand ils prendront les commandes de l'entreprise. Quelle sera leur liberté de parole dans un univers pour l'instant bien formaté, et quel espace laisseront-ils à leur collaborateurs en réalité ? Inventeront-ils vraiment une autre entreprise ?".
Les réponses des experts ont montré les incertitudes sur le sujet, et surtout l'absence de consensus !
Notre entreprise française est encore très hiérarchisée, et la question qui se pose est en réalité celle de la gouvernance. Très peu d'entreprises fonctionnent sur un mode réellement participatif et collaboratif, favorisant l'autonomie de leurs salariés. Liaisons Sociales Magazine de mars 2014 en décrit quelques exemples. Plutôt des entreprises de taille moyenne, et qui n'ont pas attendu les nouvelles technologies pour adopter ces principes.
L'ORSE a publié une étude sur les liens entre les nouvelles technologies et la RSE. Elle éclaire bien les enjeux , les risques, mais aussi les formidables opportunités.
Tous les processus n'avancent pas à la même vitesse dans les organisations humaines. La jeune génération a donc de beaux défis à relever et elle semble en être consciente.
Il y a deux semaines Alma Consulting a publié le résultat de son « baromètre » absentéisme annuel sur les entreprises françaises.
Ce baromètre concerne les absences maladie et accidents du travail+trajet, pour les seuls CDI.
Ce baromètre annonce un résultat impressionnant : une augmentation de 18% de l’absentéisme entre 2011 et 2012 !
Le seul problème, c’est que ce résultat central est contredit par.... les statistiques de la CNAMTS !
Voici les liens des données nationales – publiques – de la CNAMTS qui contredisent les résultats publiés par Alma Consulting :
-www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/Stat_mensuelle_2012_12.zip : données cumulées de 2012, vous trouverez les IJSS dans le fichier excel “Résultats fin décembre 2012”), sur les onglets “Cumul_maladie_nbre” case E192 et “Cumul_AT_nbre” case C192 (bien que le libellé soit “Total prestations en espèces” il s’agit bien du nombre d’IJSS et non pas de leurs montants, qui figurent dans les onglets “xxxxxx_mnt” correspondants)
-www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/Stat_mens_2011_12.zip : données cumulées de 2011, vous trouverez les IJSS dans le fichier excel “Résultats fin décembre 2011 (rebase)”), sur les onglets “Cumul_maladie_nbre” case E192 et “Cumul_AT_nbre” case C192 (même remarque)
Ces chiffres de la CNAMTS indiquent une diminution de 0,16% du nombre d’IJSS versées (maladie + AT qui est le périmètre de calcul pris en compte par Alma Consulting) ; cf la synthèse ci-dessous des chiffres issus des tableaux indiqués :
Nbre d'IJSS versées dans l'année
2011
2012
AT
57 159 480
56 350 343
-1,42%
Maladie
201 917 707
202 303 193
0,19%
Total
259 077 187
258 653 536
Evolution
-0,16%
Bien sûr, 2 facteurs sont à prendre en compte qui concernent la différence d’assiette de calcul entre les données d’Alma Consulting et celles de la CNAMTS :
- la CNAMTS intègre tous les salariés du privé, donc CDD, Intérimaires et saisonniers compris : cependant si les études statistiques sérieuses menées montrent que ces populations sont un peu moins absentes que celle des CDI (ainsi l’étude de la DARES publiée début 2013 a montré que la probabilité d’absence d’un salarié en CDI de plus d’un an d’ancienneté est environ 1,5 fois plus élevée que celle d’un salarié de ces différentes catégories), la proportion de ces salariés évolue de manière marginale d’une année sur l’autre et ne peut donc qu’avoir un effet lui aussi marginal en les retirant du périmètre
- les jours de carence, non indemnisés par le régime général, ne sont évidemment pas inclus dans les statistiques de la CNAMTS : mais là encore d’une année sur l’autre, comment les jours de carence pourraient-ils représenter une augmentation de 18% des durées d’absence cumulées à eux seuls ? Une simple extrapolation arithmétique permet de se rendre compte que c’est une hypothèse totalement absurde comme le calcul ci-dessous le montre :
- pour environ 18,5 millions de salariés à la CNAMTS, nous avons en 2012 ~259 millions d’IJSS, soit 14 jours d’arrêt en moyenne indemnisés par salarié par an.
- en considérant un volume Vc2011 en 2011 de jours de carence, il faudrait donc que le volume Vc2012 du nombre de jours de carence en 2012 explique à lui seul les 18% d’augmentation annoncée, soit (~259 millions + Vc2012) = (~259 millions + Vc2011) * 1,18 ce qui nous donnerait : ~46,5 millions = nombre de jours de carence supplémentaires entre 2012 et 1,18 fois le nbre de jours de carences de 2011... prenons l’hypothèse de 50 millions de jours de carence en 2011 (ce qui ferait un peu moins 3j par salarié en moyenne), cela signifierait qu’il y en aurait eu 105,5 millions en 2012 !!
Une hypothèse d’augmentation des jours de carence dans de telles proportion n’est pas concevable (avec 2j de carence en moyenne par salarié, il faudrait passer de 37 millions de jours de carence en 2011 à 90 en 2012 !).
Au passage, constatons aussi que les 14,5 j d’absence moyens par salarié qui étaient annoncés dans le baromètre 2011 d’Alma Consulting sont déjà quasiment atteints avec la seule moyenne des IJSS versées, et cela y compris CDD, saisonniers, etc... quid alors du volume d’absence correspondant aux jours de carences en 2011 ? Cela montre qu’il y a matière à s’interroger sur la fiabilité des résultats de l’étude 2011 ...
Il n’y a à nos yeux aucun autre élément explicatif qui serait de nature à conforter le résultat global mis en avant par Alma Consulting, de 18% d’augmentation de l’absentéisme AT+maladie, au regard de ces statistiques de la CNAMTS. Comment une telle augmentation pourrait elle d’ailleurs ne même pas être reflétée, au moins en tendance de l’ordre de 10%, dans le volume d’IJSS de la CNAMTS ?
Dans sa note méthodologique Alma Consulting n’indique pas du tout quelle est la stabilité du périmètre de son enquête d’une année sur l’autre , ce qui constitue pourtantl’élément essentiel pour une comparaison statistique ayant un sens : il y avait 241 sociétés dans l’échantillon en 2011 pour 408 834 salariés, 323 entreprises en 2012 pour 315 801 salariés, ce qui démontre que le périmètre d’étude n’est pas du tout le même. Aucun résultat sur les entreprises faisant partie de l’échantillon sur les 2 années n’est donné.
Ce n’est pas parce qu’une étude comporte des centaines d’entreprises et des centaines de milliers de salariés dans son périmètre qu’elle est valide statistiquement et qu’elle est représentative des tendances réelles sur la population. La structure des échantillons entre 2011 et 2012 laisserait penser que des entreprises avec des effectifs importants sont sorties du périmètre (~95 000 salariés de moins d’une étude sur l’autre, alors qu’il y a 90 entreprises de plus). Il suffit que quelques groupes importants qui avaient répondu en 2011 avec un faible taux d’absentéisme ne l’aient pas fait en 2012 pour expliquer un résultat erratique.
Le processus d’enquête ne semble donc garantir ni la représentativité de la structure de la population des salariés, ni la stabilité d’un échantillon et s’appuie uniquement sur des données déclaratives. La rigueur méthodologique ne semble de ce fait pas garantie, et le principal résultat se révèle en contradiction avec les données statistiques produites par la CNAMTS... On peut donc s'interroger sur la validité des conclusions de l'étude.
Et pourtant, toute la presse a relayé cette conclusion, sans aucune vérification et sans aucun recul. L'absentéisme est un phénomène complexe qui ne se laisse pas enfermer dans des déclarations fracassantes. Les données sur le sujet sont nombreuses, hétérogènes...et lorsqu'elles semblent se contredire, il est nécessaire de les questionner.
Dans ce rapport, il faut relever certaines informations erronées :
Tout d’abord l’étude de la Dares de février 2013, y est citée et est aussi reprise très habilement par M. Jean-François Verdier, directeur général de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) qui a été auditionné, pour citer le « taux d’absentéisme » du secteur public. Or, comme je l’ai déjà expliqué sur ce même blog, cette étude n’a en aucun cas calculé un taux d’absentéisme, tel que communément admis (nombre de jours ou d’heures d’absence d’une population sur une période de référence / nombre de jours ou d’heures normalement travaillées par cette population sur cette même période) mais le ratio de salariés absents sur une semaine donnée. Cette étude de la Dares permet juste de dire que la proportion de salariés absents une semaine donnée est effectivement quasi équivalente dans le privé et le public.
Concernant l’absentéisme dans le secteur public, qui ne fait l’objet d’aucune statistique consolidée et qu’il est donc très difficile d’appréhender, le rapport parlementaire cite les données issues de l’étude de 2009-2010 de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation. Cependant, ces données sont largement erronées : d’une part elles écartent tous les établissements de moins de 300 personnes, ce qui constitue tout de même une part non négligeable du paysage hospitalier, d’autre part sur les autres établissements concernés (664), les données communiquées par 201 d’entre eux et considérées comme « aberrantes » ou non cohérentes (on aimerait en savoir un peu plus, car 30% de données écartées cela rend toute étude suspecte…) n’ont pas été prises en compte. Ensuite pour disposer, pour l’absentéisme, d’un périmètre comparable entre 2009 et 2010, seuls les établissements présents dans ces deux enquêtes ont été retenus. Au final, cela représente 259 établissements.
Enfin, le taux d’absentéisme calculé est un taux d’absentéisme significativement minoré puisqu’il s’agit d’un taux d’absentéisme « calendaire » (rapporté à 365 jours) et non pas rapporté au temps effectivement travaillé, comme un taux d’absentéisme est normalement calculé. Ainsi 1j d’absence en cours de semaine pour quelqu’un travaillant seulement en semaine comptera non pas pour 1/5e d’absence sur la semaine (jours ouvrables) mais pour 1/7e, une façon pratique d’améliorer les statistiques…. Les chiffres produits sont donc très largement faussés. C’est d’ailleurs ce qui explique le taux irréaliste qui est annoncé pour le personnel non médical pour 2010 : 4,90 % (et 6,2% en 2011, dixit M. Debeaupuis auditionné par la commission, soit quand même +26% sur un an aux dires mêmes de l’ATIH !).
Je renvoie donc de nouveau à des études, plus fiables, car menées par des organismes de prévoyance qui couvre les risques maladies et pour lesquels il est donc essentiel d’avoir des données vraiment exactes, dans le secteur hospitalier et dans le secteur des collectivités territoriales.
Sans commenter de manière détaillée ce rapport, sa lecture permet très vite de voir qu’il met essentiellement l’accent sur les phénomènes d’abus ou de fraude. Or, même mieux détectés et enrayés – et c’est souhaitable – ces phénomènes ne sont pas à l’origine de la dégradation continue depuis 20 ans de l’absentéisme en France (beaucoup plus significativement que dans d’autres pays industrialisés, bénéficiant pourtant d’une couverture sociale comparable). Ils y contribuent, mais marginalement.
Il est illusoire d’imaginer que focaliser prioritairement son attention, et ses efforts, ce qui est l’orientation des conclusions générales de ce rapport, sur ces phénomènes réduira significativement les coûts d’IJSS. Sans oublier que ces IJSS s’accompagnent de coûts, tout aussi importants, supportés par les acteurs économiques pour faire face à l’absentéisme maladie (coûts directs de prise en charge des carences, de remplacement, d’intérim, mais aussi indirects dus à la désorganisation pour les arrêts courts et imprévus, de perte de production, de non qualité, etc…).
Mettre en place, comme cela est proposé, des processus de contrôle médical par la CNAM ciblant aussi les arrêts dits « courts » (jusqu’à 45 jours), n’est pas inutile, car actuellement ils ne font l’objet de pratiquement aucun contrôle par cet organisme. Si l’on comprend que des arrêts de quelques jours puissent difficilement être contrôlés compte tenu des délais de réaction nécessaires, on comprend moins que des arrêts de plusieurs semaines n’entrent pas dans le périmètre des contrôles administratifs (même si financièrement ils représentent une proportion très faible – quelques % - du coûts total des IJSS). De même préconiser le ciblage, « toute chose étant égale par ailleurs », de médecins qui sont des sur-prescripteurs d’arrêts maladie, pour initier un contrôle plus régulier de leur patientèle, est tout à fait souhaitable. Mais proposer l’augmentation du contrôle des arrêts de travail ne peut pas être considéré comme un dispositif satisfaisant pour inverser la dégradation des coûts d’arrêt maladie, qui, en tendance, n’a pas cessé depuis 20 ans.
La réduction de l’absentéisme dans une organisation du travail passe d’abord par une démarche destinée à sérieusement appréhender le sujet, à le quantifier, à en analyser les causes – par typologies de population - à impliquer l’encadrement dans cette réflexion, à sensibiliser le personnel aux conséquences – organisationnelles et financières – d’un absentéisme excessif ; puis par la conduite d’actions priorisées et ciblées sur des facteurs précis générateurs de problèmes de santé ou de risques (conditions de travail, organisation du travail mais aussi hygiène de vie) et sur d’autres facteurs en rapport avec le management.
Bien évidemment, des comportements d’abus peuvent être identifiés, et sanctionnés, mais sans aucune démarche de fond, ce type d’action n’a qu’un effet passager et ponctuel.
C’est en tout cas ce qui ressort de l’expérience de nombreuses organisations en la matière.
L’évaluation individuelle est en débat depuis quelques années déjà. Les systèmes mis en place par les entreprises ont fait l’objet de plusieurs ouvrages et études, souvent critiques. Le principe de l’évaluation n’est pas remis en cause fondamentalement, mais plutôt son organisation et sa finalité.
Début 2013, deux ouvrages ont été publiés sur le sujet :
-« La tyrannie de l’évaluation », par A.Del Rey
- « Evaluez-moi ! Evaluation au travail : les ressorts d’une fascination » de B.Vidaillet.
Ainsi qu’une étude très intéressante de HRValley : « Evaluation, la donne a changé ; regard sur une évaluation à bout de souffle et les modèles de demain ».
Les facteurs de risques par rapport à l’évaluation ont été largement décrits depuis plusieurs années :
Le système est-il équitable et transparent ?
Quels sont les risques de modification du comportement des acteurs? L’évaluation sur des indicateurs de performance quantitatifs pousse parfois les individus à modifier leurs actions dans le sens de l’indicateur, avec des effets indésirables non envisagés au départ (travaux de M.Beauvallet).
Comment apprécier à la fois les résultats et les efforts ? Cette question prend tout son sens dans des organisations de plus en plus complexes, avec des processus transversaux et des structures matricielles…et dans un environnement économiquement instable et incertain. Les individus maîtrisent de moins en moins les facteurs qui concourent à la réalisation de leurs objectifs (coproduction, instabilité, injonctions contradictoires…).
Comment lier le collectif et l’individuel ? L’évaluation de la performance risque de renforcer les attitudes individualistes, au détriment de l’intérêt général. Dans une étude de 2011 (Ifop Methys) 74% des salariés pensent que les évaluations génèrent des rivalités entre eux. Le système d’évaluation individuelle repose en partie sur l’hypothèse que la performance collective est une résultante des performances individuelles. Cela n’a jamais été prouvé…
Comment lier évaluation et rétribution (rémunération) ?Les primes allouées à la performance supposent que la motivation croît avec la rémunération : on travaillerait pour la « récompense » (motivation extrinsèque). Or il existe une autre forme de motivation, dite « intrinsèque » : on travaille aussi pour la satisfaction apportée par le travail bien fait, ou pour l’intérêt du travail. Certaines études (M.Beauvallet) montrent que l’attribution de primes, peut avoir l’effet inverse à celui escompté en diminuant la motivation intrinsèque, en particulier lorsque le montant est faible. L’économiste Uri Gneezy nous dit ainsi : « Pay enough or don’t pay at all ». Or en période économique difficile le montant à distribuer se réduit. Les études de rémunération 2012/2013 révèlent de bien modestes progressions salariales et des bonus peu généreux dans l’ensemble. Comment l’évaluation peut-elle encore servir à répartir la création de richesse en période de récession économique ?
Les systèmes d’évaluation génèrent du stress et peuvent être facteurs de Risques Psychosociaux. (89% des salariés de l’étude Ifop Methys 2011 disent ressentir du stress à l’occasion des évaluations). On peut se référer à la note du Centre d’Analyse Stratégique « Pratiques de gestion des Ressources Humaines et bien être au travail : le cas des entretiens individuels d’évaluation en France (septembre 2011)»
L’étude de HR Valley reprend un certain nombre de ces arguments, mais son intérêt porte sur ces 3 points :
-Quelle est la finalité de l’évaluation ? Elle demeure indispensable comme outil de dialogue, comme acte de management et comme signe de reconnaissance, mais que veut-on lui faire dire ? Est-ce un outil de « partage des richesses », ou bien est ce un outil de « développement » ? Dans le premier cas on privilégie la mesure quantitative des résultats, dans le deuxième, on privilégie le développement des compétences.
-Comment organiser le dispositif d’évaluation ? Comment articuler l’entretien d’évaluation avec la négociation de la rémunération, les plans de formation ? Comment associer les managers ? L’étude ne fournit pas de solution toute faite mais observe la diversité des pratiques.
-Un point de vigilance : la mesure des aspects comportementaux a fait l’objet de plusieurs cas de jurisprudence. Attention à ne mesurer que des éléments en lien direct avec le travail : prendre garde aux critères moraux, aux valeurs, aux éléments de personnalité, plusieurs fois retoqués par les juges. Or ces éléments ont justement été introduits pour apporter une dimension qualitative et modérer les effets parfois simplistes des mesures quantitatives. Mais où placer la frontière ?
Sid SOUSSI, Professeur, Service de l’enseignement de sociologie, HEC Montréal
Seule une retranscription fidèle et intégrale de chacune des interventions pourrait rendre compte de la qualité et de la richesse des propos de chaque intervenant. Vous ne retrouverez donc ici qu’un succédané des tables rondes de ces deux jours.
Ce colloque s'est distingué par les apports tout à fait intéressants que les participants ont pu écouter et échanger avec des professeurs d’université dont le discours n’était pas purement académique car tous ont, un, voire les deux pieds dans des entreprises qu’ils étudient de l’intérieur. De surcroit, des professionnels avertis ont également partagé leurs expériences et leurs pratiques.
La question du Management, de la diversité et des sociétés n’est pas une question nouvelle. L’anthropologie les a déjà traitées. La question est celle du rapport à l’autre et à nous-mêmes. La socialité pose la question de l’intégration sociale, le vivre ensemble.
La diversité culturelle est le rapport à l’autre et le vivre ensemble dans un monde social. Le management est une question centrale au regard du « vivre ensemble dans une organisation. » (socialité.)
Toutes les organisations sont confrontées à un moment où un autre aux questions suivantes :
-comment réussir à faire travailler ensemble des personnes différentes en vue de la réalisation de l’objectif commun ?
-Comment permettre à des gens compétents de diffuser et/ou transmettre leurs compétences, essentiellement lorsqu’il existe des différences culturelles entre ces salariés et le reste des salariés qu’ils managent.
C’est une question fondamentale sur laquelle repose l’aboutissement de projets coûteux en termes financiers et humains, dont la réussite ou l’échec ne peuvent qu’impacter l’intégralité des hommes et des femmes qui travaillent dans cette organisation –et pas seulement ceux affectés à la réalisation du projet.
La question de la socialité est donc au cœur de la dynamique managériale.
On peut distinguer quatre mouvements de fond :
·La présence massive et permanente des femmes sur le marché du travail (travail salarié),
·Des mouvements migratoires incessants,
·La mondialisation des échanges,
·Une culture plus tolérante et libérale à l’égard des différences.
En France, il existe des discriminations sociales qui se caractérisent par la division sexuée du travail (peu de femmes dans les sphères dirigeantes,) l’intégration des jeunes (difficulté accrue lorsqu’ils manquent de qualification), l’éviction des plus de 50 ans de la vie active et l’intégration des personnes en situation de handicap.
Le management interculturel a pour objectif de rendre compte des différences culturelles en gestion. De nos jours, il s’agit de rendre compte du rapport qu’entretiennent la culture et les différents genres (sexe, religion …)
Le global lutte sans cesse contre le local. Les variations de contexte sont importantes. Plus on s’internationalise plus on découvre qui on est.
Cette opposition se retrouve dans la gestion internationale des Ressources Humaines. Faut-il imposer une politique global sans tenir compte du local ? S’il faut intégrer des composantes locales, il est essentiel de déterminer lesquelles et dans quelle mesure.
Ce savant mélange de global et de local amplifie les problématiques de contrôle et de remontées des informations des filiales.
Que veut-on mesurer ?
Que peut-on comparer d’un pays à l’autre ? Comment lisser les différences légales dans un pays.
Comment faire un reporting homogène ? Comment consolider ?
Quid des groupes dans lesquels la gestion de la diversité n’est pas vécue comme étant une notion de la filiale ? Reporting essentiellement tourné vers le siège.
La mondialisation a profondément modifié le monde du travail. Les compétences culturelles posent de nouveaux cadres et des outils. La capacité à diriger dans un contexte multiculturel en fait partie.
Par exemple au Cirque du Soleil, les équipes sont multiculturelles : les artistes et leur coach sont souvent de nationalité différente. La sécurité est une question essentielle. Comment faire lorsque l’équipe est constituée de russes, et leur coach américain, sachant qu’un Russe n’accorde pas spontanément sa confiance. Il ne fait pas confiance, jusqu’à preuve du contraire. En revanche, un Américain fait confiance jusqu’à preuve du contraire.
Historiquement, la prise en compte de l’altérité se retrouve dans les 4 niveaux de mondialisation de l’entreprise.
Dans l’approche monoculturelle de Permutter, on rend l’autre semblable à soi. On assimile.
Dans l’approche multiculturelle, on accepte l’autre on le laisse tel qu’il est. On insérer, on fait co-exister.
Dans le management interculturel, on accepte de faire avec des gens que l’on n’a pas choisis. On passe à une compréhension fine des cadres conceptuels qui sous-tendent les actions.
Enfin, arrivé au niveau transculturel, on est dans la société apatride.
Gérer la diversité, c’est ne pas discriminer. Des déviances peuvent s’opèrent sur le terrain de l’opérationnel. Par exemple, lorsqu’un un individu est confronté à une situation à laquelle il n’est pas préparé, il est possible qu’il l’évacue de la pire manière : par la fuite.
Il existe un certain confort à avoir une notion floue de la diversité en France.
En France, le diplôme est primordial. La représentation des grandes écoles dans les postes de management montre qu’il n’existe pas de diversité en France. Ex : les polytechniciens sont majoritaires.
La compréhension de ces questions est essentielle dans un monde où les opérations de rachat, de rapprochement ou de coopération économique entre entreprises de culture différente et/ou de nationalité différente sont en constante augmentation.
Pour toutes informations sur ce colloque ou les prochains, vous pouvez contacter Evalde Mutabazi, mutabazi@em-lyon.com
Le Boston Consulting Group, associé au WFPMA* , vient de publier sa deuxième édition de l'étude mondiale sur les priorités des DRH.
Cette thématique est fréquemment balayée par les enquêtes. L'intérêt de ce document précis réside dans l'échantillon couvert : plus de 5500 réponses dans 109 pays. Des lignes fortes apparaissent, ainsi que des modulations géographiques et des évolutions par rapport à l'édition 2008.
L'évolution globale des classements peut être visualisée ici .
Parmi les 10 priorités on observe :
- Tout en haut du classement, la persistance des problématiques "Améliorer le développement du leadership" et "Gestion des talents" . Les DRH appréhendent la pénurie de salariés qualifiés et expérimentés dans les années à venir. Les nombreux départs en retraite de managers et l'accroissement de la demande dans les pays économiquement émergents font craindre des tensions très fortes, variables selon les secteurs et les pays. Le Japon souffre déjà d'un manque de compétences généralisé, lié au vieillissement de sa population; en France, les besoins seront concentrés sur quelques secteurs : santé, hôtellerie, commerce, transports et communications... La division du travail se fait dorénavant à un échelon mondial. C'est le problème des entreprises qui doivent anticiper, mais aussi des Etats qui doivent intégrer ces données dans les problématiques migratoires et les politiques de formation, et des étudiants qui s'orientent dans leur vie professionnelle.
- Le deuxième thème important, renforcé depuis l'édition précédente, est celui de la performance et de l'engagement des salariés : "Renforcer l'engagement des salariés", "Mesurer la performance RH", "Améliorer le management de la performance et la rétribuer". A travers ces formulations générales (et un peu floues...) s'expriment deux problématiques : celle de la motivation, et celle de la mesure opérationnelle et financière. La motivation et l'engagement des salariés ont été marqués par les turbulences de la crise. L'encadrement -intermédiaire en particulier- s'interroge sur son avenir et sur le sens de sa mission. Cette difficulté à retrouver du sens justement est en partie liée à la pénurie de "leaders" capables de montrer la route. Pour autant, comment mesurer le lien entre l'engagement des salariés, la valeur du capital humain et la création de performance ? L'étude suggère de développer des ratios d'inspiration financière (par exemple, la valeur ajoutée économique du capital humain, ou d'autres indicateurs reliant l'investissement RH à l'EBITDA). Mais sans en donner les clés et sans en montrer l'aspect souvent réducteur. Ces chiffres sont à manier avec précaution : leur interprétation doit absolument être reliée au mode de production et d'organisation de l'entreprise. Les décisions ne peuvent reposer sur des indicateurs réducteurs (même si les décideurs se retranchent parfois derrière leur aspect rassurant).
- Le troisième thème est nouveau par rapport à l'édition précédente : "La planification stratégique des effectifs et des compétences". Curieusement la "gestion de la démographie" a régressé dans le classement alors qu'elle relève de la même problématique! L'étude relève le manque d'anticipation des entreprises qui naviguent dans un champ à très court terme. Deux questions se posent : la modélisation de l'évolution probable des effectifs, et la définition qualitative et quantitative des besoins . C'est surtout sur ce deuxième point que les carences sont flagrantes. Mais comment planifier dans un environnement mondial mouvant et incertain ? Cette prospective RH suppose que l'entreprise ait une vision claire de sa stratégie, de l'évolution des marchés et des technologies, que cette vision soit diffusée et partagée en interne. Cela est-il toujours possible ? Bien sûr, les RH peuvent progresser en technicité sur l'élaboration de scenarii prévisionnels. Mais dans certains cas, la réactivité et la flexibilité s'imposent. Les obligations françaises liées à la GPEC ont donné lieu à des démarches novatrices mais ont aussi parfois contribué à construire des systèmes complexes qui n'ont pas été d'un grand secours lors de la crise de 2008. A mon avis, il faut donc doser l'aspect "planification" et l'aspect flexibilité (celle ci apparaît d'ailleurs comme une valeur émergente dans l'étude).
D' autres thèmes sont en partie liés à la crise : "Gérer les coûts du travail" apparaît en bonne place alors que "l'équilibre vie privée -vie professionnelle" a nettement régressé. Le "management de la mondialisation" n'apparaît pas comme une priorité, ni la "responsabilité sociale" du reste. D'après le BCG , les DRH n'ont pas encore perçu clairement les enjeux de ces deux problématiques appelées à prendre de l'importance dans les années à venir.
D'une manière générale, les DRH expriment leur volonté de se présenter en partenaires stratégiques du développement de l'entreprise. Mais ces discours n'ont rien de véritablement nouveau. La question est plutôt : que se passe-t-il au delà du discours ?
A la fois sur le champ opérationnel : les salariés reprochent souvent au DRH d'avoir désinvesti l'univers du travail concret pour un mode de fonctionnement bureaucratique voire technocratique.
Et sur un plan économique : lors d'un récent entretien avec un recruteur , celui ci me racontait que de nombreux DRH sont incapables de donner le Chiffre d'Affaires de leur entreprise...ce qui les décridibilise dans leur position de "business partner"!
Le métier est exigeant et souvent ingrat. Dans le cadre de mon activité, je suis toujours étonnée du succès rencontré auprès des professionnels par les études et enquêtes telles que celles du BCG. Cela me semble symptomatique des difficultés de positionnement de la fonction RH.
MH Millie
* World Federation of People Management Associations
Loin des poncifs tiédeux avec lesquels on nous délave les oreilles afin de nous faire voir plus moral, plus éthique, plus interculturel ; Evalde Mutabazi et Philippe Pierre publient un livre ("Pour un management interculturel. De la diversité à la reconnaissance en entreprise- Edition L'Harmattan) au titre devenu trompeur tant l’interculturel a été galvaudé.
Préfacé par Albert Jacquart, cet ouvrage ne vous révelera aucun secret pour bien travailler avec les chinois; les maliens ou les allemands, et encore moins les (bonnes) recettes miracles d’une politique de diversité bien lisse ! Ils ne vous donnent pas non plus les adresses des meilleures banques de photos pour décorer vos plaquettes d'enteprise de sourires ultra bright version multiculturelle.
Dans la première partie, Evalde Mutabazi et Philippe Pierre dissèquent des concepts, des mots, les idées reçues sur la diversité (discrimination, racisme, ethnicisation…). Ils nous expliquent ce qui entre et ce qui n’entre pas dans tel ou tel concept, comment le circonscrire ou l'étendre pour mieux le comprendre. Ce n’est pas une longue liste de définitions ou d’illustrations anecdotiques mais une analyse fine étayée de représentations propres à mieux nous faire appréhender le contenu du concept de diversité. Tous ces mots utilisés au quotidien prennent un jour nouveau. Cette première partie pose un cadre de réflexion nécessaire à la seconde.
Dans la deuxième partie, « des politiques de diversité au management interculturel, » les auteurs pénètrent au coeur de l’entreprise, ses salariés et les relations croisées qui les animent.
Les auteurs expliquent : « ceci nous amène à distinguerles politiques de diversité qui s’exercent en un seul territoire national etle domaine du management interculturel qui évoque les franchissements de frontières, la mise en cohérence de plusieurs politiques de gestion de la diversité… Ils participent pour nous de deux conceptions du vivre ensemble en entreprise* »
Ce livre est tellement riche qu’il est impossible d'en parler plus sans le dénaturer.
L'internationalisation des entreprises les mène à repenser l'organisation de leur fonction Ressources Humaines . Quelles sont alors les conséquences sur les Systèmes d'Information RH ?
Ce thème a fait l'objet d'une journée d'études du Cercle SIRH . Journée que j'ai co-animée avec Gérard Piétrement (Danae) le 13/11/2008. Lire l'article résumé
La globalisation du SIRH est difficile à mettre en oeuvre, pour plusieurs raisons: différences de législation sociales , mais aussi différences culturelles , trop souvent méconnues ou sous estimées.
Même dans les très grandes entreprises, l'implantation se fait de manière progressive, impliquant seulement certaines catégories de salariés et certaines fonctions. L'internationalisation du SIRH n'est pas une fin en soi, mais un moyen d'améliorer le pilotage global et de contribuer à la formation d'une culture commune.
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